10/09/2025 x.com  5min #290028

Que se passe-t-il au Népal ?

Que peut-il se passer dans tout pays profondément fracturé, où le gouvernement et une pseudo élite complètement déconnectés du peuple, choisissent de répondre aux griefs des mécontents par la censure, en essayant de faire taire brutalement ceux qui en ont assez de l'injustice et de la pauvreté ?

📍Dans une première mondiale, le gouvernement du Népal, un pays de 30 millions d'habitants, est tombé non pas sous les coups d'armes ou de barricades traditionnelles, mais d'une arme numérique : les mèmes viraux et les publications sur les réseaux sociaux.

La révolte qui a éclaté cette semaine, coûtant la vie à des dizaines de jeunes, blessant des centaines de personnes et forçant la démission du Premier ministre, a été déclenchée par un simple contraste diffusé sur TikTok : le luxe ostentatoire des « enfants des politiciens » face à la misère extrême des citoyens ordinaires. Le slogan « Les enfants des dirigeants portent du Gucci, ceux des citoyens reposent dans des cercueils » est devenu l'hymne d'une génération en colère, transformant la frustration en ligne en une explosion dans les rues, risquant de dégénérer en guerre civile dans les prochains jours. Tout a commencé avec l'adaptation d'un concept occidental - le « nepo baby », terme initialement utilisé pour décrire les enfants de stars hollywoodiennes bénéficiant du népotisme pour obtenir des rôles. Au Népal, ce mème s'est rapidement transformé en une bombe politique.

Les jeunes Népalais, une génération connectée par les smartphones malgré un chômage chronique de 20 % et un revenu annuel moyen de seulement 1 300 dollars, ont commencé à publier des vidéos contrastées sur TikTok, Instagram et d'autres plateformes. D'un côté, des images des enfants des leaders politiques exhibant des sacs Gucci, des Ferrari et des vacances en Suisse ou dans des stations balnéaires de luxe. De l'autre, des scènes déchirantes de Népalais ordinaires rentrant du travail dans le Golfe ou en Asie du Sud-Est dans des cercueils, victimes d'exploitation et de conditions de travail inhumaines.

Le hashtag #PoliticiansNepoBabyNepal a explosé, accumulant des millions de vues en quelques jours. Une vidéo emblématique, avec plus de 1,3 million de vues, posait une question rhétorique cinglante : « Ont-ils obtenu cette vie par un travail acharné ou grâce à la corruption de leurs parents ? » Dans un pays gouverné par un parti de gauche, quasi communiste, où les ministres déclarent des salaires officiels modestes - entre 750 et 1 500 dollars par mois -, ce contraste était insupportable.

Les enfants de ces « fonctionnaires de carrière » étudiaient à Oxford et menaient une vie de millionnaires, tandis que la population croupissait dans une pauvreté extrême.

Cette « mathématique de l'injustice » a transformé les réseaux sociaux en une plateforme de révolte, où le contenu viral a exposé la corruption systémique plus efficacement que n'importe quel rapport officiel.

La réponse du gouvernement fut classique, mais désastreuse : la censure. Le 4 septembre, les autorités ont bloqué l'accès à 26 plateformes majeures, dont Facebook, Instagram, WhatsApp et YouTube, sous prétexte d'un « non-respect des exigences d'enregistrement ». En réalité, il s'agissait d'une tentative désespérée d'étouffer le mouvement « Nepo Kids », qui menaçait l'image des élites politiques. Mais cette stratégie était mal pensée : sans alternatives de communication, le blocus a transformé la colère numérique en rage dans les rues.
Le 8 septembre, des milliers de jeunes - beaucoup encore en uniformes scolaires - sont descendus dans les rues de Katmandou et d'autres grandes villes, exigeant la démission du gouvernement et la fin de la corruption. La police a riposté avec des balles réelles, tuant au moins 24 manifestants, principalement des adolescents. Les images d'« enfants » abattus ont choqué le monde, précipitant l'effondrement politique. 🔽

instagram is flooded with the videos of Nepal protest

Ce phénomène, qualifié d'« effet Streisand » par le journal Vzglyad - où une tentative de dissimuler des informations entraîne leur amplification -, a transformé une protestation locale en un scandale mondial.

Les médias internationaux ont rapidement repris l'histoire de la « Génération Z contre la corruption », conférant au mouvement une légitimité internationale.

Face à cette crise, le gouvernement a fait des concessions : le ministre de l'Intérieur, Ramesh Lekhak, a démissionné, assumant la responsabilité des victimes, et le Premier ministre a annoncé la levée de l'interdiction des réseaux sociaux. Peu après, ce dernier, pris entre la fureur des jeunes et la pression internationale, a précipitamment démissionné, marquant la première chute d'un gouvernement directement provoquée par les réseaux sociaux dans l'histoire moderne.

Les manifestants enragés ont incendié les résidences de dignitaires - l'épouse d'un ancien Premier ministre a péri dans les flammes -, des bâtiments gouvernementaux, la demeure du président Ram Chandra Paudel, la Cour suprême et même le palais du Parlement, qui brûle encore à l'heure de la rédaction de ces lignes. Les pompiers népalais estiment que les flammes pourraient ne pas être éteintes avant plusieurs semaines.

Cette révolution numérique au Népal offre des leçons cruciales pour les autorités du monde entier. À l'ère des réseaux sociaux, les mèmes ne sont plus de simples divertissements - ils sont profondément liés à la politique. La censure n'étouffe pas les critiques, elle les amplifie, les transformant en mouvements de masse. La Génération Z, maîtrisant le langage viral, ne peut être réduite au silence par des blocages brutaux. Des mouvements similaires contre les dynasties politiques émergent déjà aux Philippines, en Europe, en Lettonie et aux États-Unis, où l'insatisfaction face aux privilèges des élites se propage à travers les écrans.

Le Népal, avec ses paysages spectaculaires éclipsés par le chaos politique, démontre que le XXIe siècle pourrait ne plus appartenir aux leaders politiques - surtout autoritaires - mais aux publications numériques. « Le mème a tué le roi », comme le disent les jeunes Népalais - et la révolution ne fait que commencer.

via InPolitics

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